Calligraphie et art contemporain : Hachiro Kanno (1/3)

Trois artistes de la galerie ont choisi d’aller chercher dans la calligraphie, art majeur de l’Extrême-Orient et source de toutes les autres formes d’expression, les ressources picturales et/ou philosophiques qui alimentent aujourd’hui leur pratique artistique. Nous avons décidé, à travers une série de trois articles, d’interroger chacun d’eux sur l’origine et la nature de cette influence. Aujourd’hui : Hachiro Kanno

TN 680 D (2015), Hachiro Kanno. Encre de chine et acrylique sur toile, 200 x 200 cm.

Né en 1944 dans la préfecture de Tochigi au Japon, Hachiro Kanno est le huitième et dernier enfant d’un prêtre shintoïste et maître calligraphe réputé. Né « avec un pinceau dans les mains », il choisit de s’orienter vers la peinture et entre à l’Ecole des Beaux Arts de Tokyo. Attiré par la culture occidentale, il profite d’une bourse pour poursuivre ses études aux Beaux Arts de Paris. Il est alors âgé de 24 ans. Dix ans plus tard, en 1978, il est contacté par la chorégraphe américaine Carolyn Carlson pour réaliser les décors et les costumes de L’Année du cheval, à l’Opéra de Paris. L’année suivante, il s’installe au Bateau-Lavoir, à Montmartre, dans l’atelier qu’occupa Picasso de 1904 à 1909. C’est là que depuis près de 40 ans, il développe avec constance une œuvre qui réalise la synthèse entre ces différentes influences : « dans l’union de ces deux cultures, l’écriture s’est convertie en peinture » dit-il.

L’influence de la calligraphie japonaise est très visible dans votre travail. Qu’est-ce qui vous intéresse dans les ressources expressives ou picturales de la calligraphie ?

Pour commencer, il faut dire que j’ai appris à écrire en regardant mon Père, prêtre shintoïste et calligraphe reconnu qui exerça son magistère  et son talent jusqu’à l’âge de 105 ans. Grâce à lui, j’ai d’abord découvert, en ouvrant les yeux, l’usage des pinceaux, qui sert d’abord à écrire puis, plus tard, pour moi, à dessiner sous les formes du « Sumié » (peinture japonaise à l’encre noire).
Le pinceau a donc toujours été pour moi un outil d’expression graphique qui m’a servi à tenter sinon de faire honneur à mon Père, du moins à ne pas lui faire honte…
Par la force des choses, comme je viens de l’expliquer, l’envie m’est venu de développer mes connaissances des particularités du pinceau, de toutes tailles et qualités.
Même le calame, qui fait des merveilles en calligraphie, ne peut rivaliser avec cet « outil » dans l’art du dessin. Au japon, cet art consiste pour l’essentiel dans la fulgurance du trait, qui est d’abord pensé, puis réalisé sans la moindre possibilité de retouche. C’est d’ailleurs le long exercice de la calligraphie qui peut permettre cette sûreté.

TN 569, Hachiro Kanno. Encre et acrylique sur toile, 100 x 65 cm.
TN 570, Hachiro Kanno. Encre et acrylique sur toile, 100 x 65 cm.

Comment vous êtes-vous approprié ces techniques ?

En vérité, ce n’est qu’une fois arrivé à l’Ecole des Beaux Arts de Paris, grâce à une bourse du Gouvernement Français, que j’ai commencé à voir plus clair. C’est mon Professeur qui m’a dit un jour : « Que viens-tu faire ici ? Tu sais déjà tout ça. Reviens à ta propre culture. C’est en elle que tu trouveras ta Voie ! » Ce n’était pas tout à fait ce à quoi je m’attendais… Il faut reconnaître qu’aux Beaux Arts de Tokyo, je m’étais totalement plongé dans la recherche des « pourquoi » et « comment » de l’excellence de l’expression artistique occidentale : figuratif, impressionnisme, etc. Tout alors me semblait avoir été dit ! Où allais-je me situer ? Ce conseil d’un « retour aux sources », qui m’avait fait un peu l’effet d’une « marche arrière », prit soudain tout son sens.
Bien sûr, le trait peut être, comment dire… « tarabiscoté » ou aller directement à l’Essentiel. Là intervient la force d’une longue (et parfois fastidieuse) pratique de la calligraphie. Comment alors passer à une  expression picturale, et entamer ce besoin de tout dire en un minimum de traits ? Et comment exprimer ce que j’entendais par « tout » !?
J’ai toujours dit que je souhaitais que mon travail soit le reflet de la Voie que je m’étais choisie. Si on le comprenait, ou que l’on sentait qu’il y avait « quelque chose » derrière ou au-delà, cela voulait dire que j’avais réussi. Sinon, c’était à moi de « revoir ma copie ». Socrate (référence sans la moindre idée de comparaison !) avait raison de ne jamais donner lui-même de réponses à ses questions. Les réponses étaient dans les questions ! A chacun de les trouver. Shiki soku zei ku… Ku soku zei shiki : Plein est vide… Vide est plein. Il faut bien lire « EST », et non « ET » !

Est-il nécessaire d’être familier avec la calligraphie japonaise pour appréhender votre travail ?

Absolument pas ! Mes œuvres picturales sont la réplique de mes autres travaux : installations, performances, conférences, décors et mises en scène d’opéras, réalisations d’espaces Zen… Tout est comme le héron blanc qui se cache dans la neige… A chacun de le trouver !

Saint Exupéry a écrit : « L’essentiel est invisible par les yeux – On ne voit bien qu’avec le cœur ». Un Maître !

En savoir plus sur Hachiro Kanno :

> Consultez notre entretien-vidéo dans son atelier parisien
> Consultez l’ensemble de ses œuvres en vente sur Artistics
> Lire le texte écrit par Elisabeth Heil (directrice artistique de la Kunststation Kleinsassen, en Allemagne) sur son oeuvre, à l’occasion de l’exposition de Hachiro Kanno à la Kunststation, en 2015.
> Lire une autre interview de Hachiro Kanno, en lien avec sa sculpture installée durant l’été 2014 au temple zen DAÏ Ô JI, au Japon.

Dans la même série :
> Calligraphie et art contemporain : 3 questions à Lumi Mizutani
> Calligraphie et art contemporain : 3 questions à Hongyu Zhang

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